La socialisation et ses mécanismes - En quoi le milieu social d'origine détermine les activités extrascolaires des individus ?

Par Lilou, Kenza, Mohammed, Thomas et Kyliann

À Propos de Nous

I- Qu'est-ce que la socialisation ?

La socialisation est un processus par lequel les individus apprennent et intériorisent les normes, valeurs, comportements et rôles sociaux propres à leur culture et à leur société, qui leur permettent de s'intégrer et de former leur identité sociale. En sociologie, ce concept est étudié pour comprendre comment les interactions sociales et les institutions, telles que la famille, l'école et les groupes de pairs, façonnent l'identité et les comportements des individus en société.
Plusieurs sociologues ont théorisé la socialisation comme Peter Berger, Thomas Luckmann, Muriel Darmon, Pierre Bourdieu, ...

Considéré comme l'un des sociologues les plus importants de la seconde moitié du XXe siècle, on lui doit des ouvrages comme 𝙇𝙖 𝙙𝙤𝙢𝙞𝙣𝙖𝙩𝙞𝙤𝙣 𝙢𝙖𝙨𝙘𝙪𝙡𝙞𝙣𝙚, 𝙇𝙖 𝙧𝙚𝙥𝙧𝙤𝙙𝙪𝙘𝙩𝙞𝙤𝙣 ou 𝘼𝙫𝙚𝙣𝙞𝙧 𝙙𝙚 𝙘𝙡𝙖𝙨𝙨𝙚 𝙚𝙩 𝙘𝙖𝙪𝙨𝙖𝙡𝙞𝙩𝙚́ 𝙙𝙪 𝙥𝙧𝙤𝙗𝙖𝙗𝙡𝙚, dans lesquels il a développé et popularisé la théorie que la socialisation est en fait l'incorporation par l'individu de l'habitus, c'est-à-dire l'ensemble de comportements et de manières d'être propres à une société.
Pierre Bourdieu
Sociologue français

Muriel Darmon est une sociologue française, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique. Ses recherches portent sur les processus de socialisation et de production de l'habitus, en particulier autour des thèmes de la jeunesse, du corps et de la santé. Elle a notamment écrit 𝙇𝙖 𝙎𝙤𝙘𝙞𝙖𝙡𝙞𝙨𝙖𝙩𝙞𝙤𝙣 et 𝘿𝙚𝙫𝙚𝙣𝙞𝙧 𝙖𝙣𝙤𝙧𝙚𝙭𝙞𝙦𝙪𝙚 : 𝙐𝙣𝙚 𝙖𝙥𝙥𝙧𝙤𝙘𝙝𝙚 𝙨𝙤𝙘𝙞𝙤𝙡𝙤𝙜𝙞𝙦𝙪𝙚.
Muriel Darmon
Sociologue française et directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique

Peter Berger et Thomas Luckmann sont deux sociologues principalement connu pour 𝙇𝙖 𝘾𝙤𝙣𝙨𝙩𝙧𝙪𝙘𝙩𝙞𝙤𝙣 𝙎𝙤𝙘𝙞𝙖𝙡𝙚 𝙙𝙚 𝙡𝙖 𝙍𝙚́𝙖𝙡𝙞𝙩𝙚́. C'est dans cet ouvrage qu'ils ont notamment distingué la socialisation primaire et la socialisation secondaire.
Peter L. Berger et Thomas Luckmann
Sociologues américain/ allemand

Les deux phases de la socialisation

La socialisation primaire, est l'acquisition de la capacité à vivre en groupe durant la petite enfance. En effet, l'enfant n'est pas automatiquement un être social à sa nassance, il doit apprendre à parler, à suivre les règles de la société dans laquelle il vit. Lors de la socialisation primaire, l'enfant intériorise le monde qui l'entoure comme étant le monde en général.

La socialisation secondaire est le processus d'évolution de la personnalité de l'agent au cours de sa vie : socialisations professionnelle, étudiante, conjugale, amicale... Elle se déroule dans plusieurs sphères : au travail, à la maison, en compagnie de collègues, amis, conjoint... Elle consiste en l'intériorisation de normes particulières.

II- Une socialisation différenciée en fonction du milieu social

Notre objectif d'apprentissage consiste à comprendre comment les individus expérimentent et intériorisent des façons d'agir, de penser et d'anticiper l'avenir qui sont socialement situées et qui sont à l'origine de différences de comportements, de préférences et d'aspirations. Nous avons pris la décision d'étudier la corrélation entre le milieu social des parents et le choix des activités extra-scolaires des enfants. En effet, nous allons démontrer que l'origine sociale joue bel et bien un rôle déterminant dans l'orientation des choix des enfants concernant leurs activités extra-scolaires. Mais quels sont les facteurs qui vont influencer cet orientation ?

La socialisation et ses processus

Il existe plusieurs processus par lesquels la socialisation forme les individus.

Premièrement, l'inculcation, qui est la transmission explicite et contrainte par des agents comme la famille et l'école des normes et des valeurs sous la forme d'injonctions, assorties de sanctions positives et négatives.
Deuxièmement, les pratiques directes, qui sont l'incorporation de façons de faire, de penser et d'être par la pratique d'activités récurrentes, comme pratiquer un sport avec des amis ou se rendre dans des lieux culturels avec sa famille.
Pour finir, il y a aussi l'imprégnation, qui est la lente intériorisation de façon de faire, de penser et d'être lors des milliers d'interactions du quotidien.

Au travers de ces trois processus, les différentes instances de socialisation (la famille, l'école, les groupes de pairs, etc.) vont contribuer à former les individus et leur permettre de s'adapter aux groupes dans lesquels ils vivent. De plus, cette socialisation est différenciée, car en fonction du genre, du milieu social, du pays dans lequel l'individu vit, les normes et valeurs ne seront pas les mêmes. C'est la socialisation différenciée. Nous allons voir que cette socialisation différenciée va notamment influencer les goûts de l'individu.

III- Interprétation de notre enquête

86%

Pratiquent un ou plusieurs sport(s)

84%

Parmi eux pratiquent ce(s) sport(s) au moins deux heures par semaine

90%

D'entre eux se sont rendus dans un lieu culturel cette année

45%

Pratiquent un ou plusieurs sport(s)

55%

Parmi eux pratiquent ce(s) sport(s) entre 1h et 1h30 par semaine

75%

D'entre eux se sont rendus dans un lieu culturel cette année

Interprétation des résultats

Il est possible que selon le milieu social, que nous avons déterminé dans notre sondage grâce aux catégories socio-professionnelles, les parents aient plus ou moins de temps à accorder à leurs enfants et de moyens pour financer des activités sportives et culturelles.

Dans le lycée Paul Sabatier à Carcassonne, on remarque que chez les familles les plus favorisées, les enfants pratiquent une ou voire plusieurs activités à une fréquence relativement importante. Parmi les jeunes de 14 à 18 ans dont les deux parents sont issus de la catégorie socio-professionnelle des cadres et professions intellectuelles supérieures, 86% pratiquent un sport et parmi eux 84% au moins 2h par semaine. Parmi les enfants d'au moins un ouvrier, seulement 45% pratiquent un sport, à raison d'1h à 1h30 par semaine pour 55% d'entre eux. Il y a également 90% des enfants de cadres qui se sont rendus dans un musée, ont visité une exposition ou assisté à un spectacle en dehors du cadre scolaire cette année, alors que seulement 75% des enfants d'au moins un ouvrier en ont fait de même.

Pour les enfants de chefs d'entreprise et de commerçants, les chiffres sont équivalents à ceux des enfants de cadres et de professions intellectuelles supérieures : 87,5% pratiquent au moins une activité sportive et se sont rendus dans un musée, ont visité une exposition ou ont assisté à un spectacle, en dehors du cadre scolaire.

Au-delà du coût financier des activités sportives et culturelles, nous avons aussi vu en cours que dans les milieux sociaux défavorisés la reproduction sociale est beaucoup plus présente.
En effet, de nombreux pères ouvriers par exemple, ayant pratiqué un sport dans leur jeunesse comme le rugby ou le foot, vont transmettre cette passion à leurs enfants par imprégnation et pratiques directes, ce qui va les pousser à pratiquer ce sport à leur tour.
Dans les milieux sociaux favorisés, en revanche, l'enfant est plus libre du choix de ses activités, qui sont souvent beaucoup plus variées. C'est ce qu'a montré Robert Peterson dans Changing highbrow taste : from snob to omnivore, où il distingue deux types d'individus : les individus univores et les individus omnivores. Les individus univores ont une unicité de goûts dans chaque pratique : ils n'aiment qu'un seul genre musical, qu'un seul genre littéraire, etc. Les individus omnivores, eux se caractérisent par une pluralité de goûts dans chaque domaine ; ils aiment à la fois les genres populaires et les genres savants : par exemple, ils écoutent à la fois de l'opéra et du rap. Peterson observe que dans les milieux favorisés, se trouve une grande proportion d'individus omnivores et, à contrario, que les individus univores sont fortement représentés dans les classes sociales inférieures.

Notre enquête nous a permis d'avoir d'autres informations. A la suite de la question sur les activités culturelles extrascolaires, nous avons demandé pour quelles raisons ceux qui ne s'étaient pas rendu dans un musée, voir une exposition ou assister à un spectacle en dehors du cadre scolaire ne l'avaient pas fait. Trois réponses étaient possibles :

- Je n'ai pas les moyens
- Cela ne m'intéresse pas
- Il n'y a pas d'endroits intéressants dans les alentours

Nous allons nous intéresser aux deux premières réponses possibles. Parmi les personnes sondées, 15,4% seulement ont répondu qu'elles n'avaient pas les moyens et 44,6% ont répondu que cela ne les intéressait pas.

Ces résultats peuvent être reliés à ceux de l'enquête sur le public des musées financée en 1962 par le Ministère de la Culture français et dirigée par Pierre Bourdieu, Alain Darbel et Dominique Schnapper.
Ces trois auteurs montrent dans l'ouvrage L'amour de l'art, que les dispositions à aimer l'art ne sont pas partagées dans la société : quelqu'un qui n'est pas prêt à aimer l'art ne va pas s'y intéresser. Les deux critères qui permettent le développement d'une passion pour l'art sont la socialisation primaire dans une famille cultivée et l'obtention d'un diplôme élevé.
Alors, la faible proportion des personnes issues de milieux sociaux populaires dans les musées ne s’explique pas principalement par le coût d’entrée mais par la « distance culturelle » entre les milieux populaires et les arts, causée par une socialisation qui n'a pas été axé sur les arts et la culture savante.
Cela explique nos résultats, car malgré que bon nombre de musées et de lieux culturels soient gratuits, ou accessibles à des tarifs fortements réduits pour les jeunes, de nombreuses personnes n'y vont pas, par manque d'intérêts.

En conclusion, nous avons comparé le cas des milieux les plus favorisés avec ceux des milieux les moins favorisés et nous pouvons constater plusieurs choses.
Premièrement, la majeure partie des jeunes de Paul Sabatier issus de milieux sociaux favorisés pratiquent une activité sportive, voire plusieurs, de manière plus assidue que les jeunes de Sabatier issus de milieux sociaux défavorisés.
Deuxièmement, les jeunes de notre lycée issus de milieux sociaux supérieurs pratiquent plus d'activités culturelles, comme les visites de musées ou d'exposition, que leurs camarades issus de milieux sociaux moins favorisés.
Nous pouvons donc constater que le milieu social des parents impacte bel et bien le choix des activités extra-scolaires chez les jeunes du lycée Paul Sabatier.